PS Commune de Neuchâtel

Monsieur le Président, chères et chers collègues,

Enfin, nous y voilà ! Osons le dire, tant ce moment paraissait lointain et improbable, c’est l’équivalent local de la veille du Grand Soir pour notre belle Ville de Neuchâtel qui nous arrive aujourd’hui ! Le réaménagement des Jeunes-Rives s’est tant étendu dans le temps qu’il en est devenu d’une rare complexité. Entre enlisement, mécontentement populaire ou alors oubli collectif, les risques étaient grands que les autorités communales n’aient pas la volonté politique de mener ce projet à son terme. Et pourtant… Projet phare de ces quatre dernières législatures, serpent de mer de la politique communale, la réalisation d’un grand parc urbano-lacustre sur les traces d’Expo 02 est malgré tout devenue l’objectif urbanistique prioritaire de notre capitale cantonale. Depuis une quinzaine d’année, le Groupe socialiste se bat et se débat pour la cause des Jeunes-Rives, ce lieu emblématique pour la population neuchâteloise. Alors oui, il a fallu s’armer d’énormément d’énergie, de patience, de persévérance, voire d’acharnement et d’abnégation pour aboutir au projet finalisé dont nous débattons ce soir. Et assurément, exercer une pression continue sur l’exécutif pour qu’il avance dans ce dossier majeur. Mais le jeu en valait manifestement la chandelle : le Conseil communal nous livre ici un projet globalement enthousiasmant, équilibré, respectueux des différents processus participatifs et consultations organisés, en somme ambitieux mais raisonnable, pour reprendre un ancien slogan du Conseil communal.

Ce nouveau parc urbain, qui se veut un écrin de verdure au cœur de la cité, ouvert sur notre beau lac, permettant une utilisation populaire et conviviale tout au long de l’année, doit véritablement devenir celui de chaque habitante et de chaque habitant de notre ville, quel que soit son âge ou sa situation socio-économique. La difficile période du confinement l’a démontré de manière frappante : il est indispensable de disposer de grands espaces de délassement, de respiration et de verdure au milieu du tissu urbain, d’autant plus lorsque celui-ci a vocation à se densifier. En mettant tout particulièrement l’accent sur la réalisation d’espaces consacrés aux activités culturelles et de loisirs pour la population, vu l’importance que les Jeunes-Rives ont pris dans ces deux domaines au cours des deux décennies écoulées. L’aspect inclusif, intergénérationnel et collectif du parc urbain des Jeunes-Rives, avec une maîtrise publique sur l’ensemble, constituent ainsi des fondamentaux indispensables aux yeux du PS. Mais pas seulement. Un projet d’une telle envergure ne fait de sens que s’il se concrétise dans sa globalité, et avec l’intégralité de ses modalités. Car c’est bien sur le projet d’ensemble que les différents acteurs politiques et de la société civile se sont exprimés, et à propos duquel un consensus très large a semblé émerger.  On ne saurait dès lors concevoir une réalisation à la carte, qui viderait le projet de son essence même, notamment par les exemples suivants à ne surtout pas suivre : un réaménagement de la Place rouge sans suppression du parking, de nouveaux espaces de verdure sans conservation de la végétation existante, une crique revitalisée sans café-bains, de nouvelles plages mais pas d’établissement public, etc.

Et c’est bien là que réside le défaut majeur du projet de réaménagement des Jeunes-Rives pour le groupe socialiste : la séparation de la réalisation du projet en deux secteurs distincts, dont seul le premier est soumis à notre approbation ce soir.

En cela, je crois pouvoir dire que tous les membres de notre groupe ont exprimé leur mécontentement quant à ce choix politique du Conseil communal, et ce à de multiples reprises lors des consultations préalables et discussions au sein des nombreuses commissions du Conseil général qui ont planché sur le sujet.

Pour que les choses soient clairement et publiquement dites, et éviter une discussion de dupes remplie de sous-entendus, osons l’exprimer ouvertement et de manière transparente : le Conseil communal n’a pas souhaité présenter une demande de crédit unique, de par la crainte du lancement d’un référendum face à toute velléité, aujourd’hui ou demain, de supprimer l’actuel parking des Jeunes-Rives. Et ceci est bien dommage, car les préoccupations des usagers actuels doivent pouvoir être entendues, et des solutions trouvées. Mais aucune solution n’est durable ni valable si l’objectif final n’est pas clairement assumé et démocratiquement débattue.

Un tel débat se serait ainsi trouvé escamoté, si le groupe PopVertSol n’avait pas déposé, avant même les discussions intervenues au sein des groupes, un amendement à l’arrêté V, qui vise à fixer une échéance au 1^er janvier 2025 pour la possibilité de prévoir du stationnement permanent sur les Jeunes-Rives. Un tel amendement a suscité tout l’intérêt du groupe socialiste, car il se révèle en fait d’une grande transparence et de beaucoup de pragmatisme : non seulement, il ne fait que retranscrire la position exprimée « entre les lignes » par le Conseil communal, selon lequel, je cite « le réaménagement du parc conduira, au terme de la réalisation du secteur 2, à la suppression du parking des Jeunes-Rives, soit à la diminution de 300 places de stationnement publiques à proximité du centre-ville » (p. 68 du rapport, ch. 4.4.4) ; mais en plus, il tient compte de la préoccupation légitime exprimée par l’exécutif, selon lequel différentes mesures de compensation et d’accompagnement existent et peuvent être mises en place, mais en nécessitant encore un peu de temps pour aboutir. Pour un projet qui attend depuis plus de 20 ans, on peut en effet bien attendre encore quelques années, mais il ne faut pas non plus exagérer ! Un délai de 5 ans paraît plus que raisonnable pour espérer trouver une concrétisation au secteur 2.

Pour ces raisons-là, notre groupe soutiendra un tel amendement, ou alors sous une forme éventuellement modifiée pour tenir compte d’éventuelles contingences formelles ou juridiques. A ceux qui seraient tenté de prétendre qu’un tel amendement serait un casus belli mettant en péril la réalisation de l’ensemble du projet, je leur rappellerai simplement ce qui suit : la vision d’ensemble et les objectifs du projet sont connus aujourd’hui. Il serait donc honnête et transparent que les oppositions s’expriment aujourd’hui sur la place publique, et puisse faire l’objet d’un éventuel débat populaire dès à présent. Cacher sous le tapis et remettre à plus tard les questions qui fâchent, c’est faire obstruction au débat démocratique et au principe de transparence. Nous sommes tous là ce soir pour débattre de ce projet que nous commençons à connaître sous toutes ses coutures, alors débattons et décidons en connaissance de cause ! C’est ce que sont en droit d’attendre les citoyennes et citoyens de notre ville.

Vous l’aurez compris, un tel défaut du projet du Conseil communal n’est pas rédhibitoire à ce stade, à mesure qu’il peut être corrigé, et qu’il doit l’être. Si une telle préoccupation ne devait réunir une majorité de notre législatif, alors notre groupe ne manquera pas de solliciter une suspension de séance pour se déterminer.

Maintenant que les principaux enjeux du projet ont été largement abordés, on peut entrer dans le détail :

• Un grand regret largement partagé au sein du groupe socialiste réside dans la pauvreté et le manque d’ambition architectural s’agissant de la réalisation des constructions publiques prévues sur le site des Jeunes-Rives. Aucun caractère marquant particulier, avec le sentiment de passer à côté d’une occasion unique d’affirmer : « Ici, c’est Neuchâtel ». Et alors que notre ville constitue un maillon majeur des sites palafittes inscrits à l’UNESCO, on comprend mal la volonté de privilégier la mode nordique au café-bain, plutôt que de s’inspirer sur la culture laténienne dont nous sommes les légataires. On en appelle néanmoins le Conseil communal à tenter de rectifier le titre lors de la réalisation concrète, sur la base du crédit que nous votons ce soir ;
• Un autre bémol soulevé à plusieurs reprises parmi nous réside dans l’aspect très « minéral et bétonné » de deux emplacements particuliers du projet : tout d’abord l’entrée ouest du site depuis l’Esplanade Léopold-Robert, ainsi que la plage ouest, y compris pour la réalisation du restaurant. Pourquoi avoir retenu à chaque fois autant de surfaces et autres gradins en béton, plutôt que dans d’autres matériaux, tels que de la pierre ou du bois, si possible locaux ?
• On comprend mal la volonté de vouloir implanter de manière fixe la zone dite « de vente » à côté de l’uni. Pourquoi ne pas plutôt privilégier une zone de vente « mobile », par exemple pour food-trucks, permettant une rotation des vendeurs et assurer plus de flexibilité et diversité ?
• Les déplacements à vélo au sein du parc ont suscité quelques craintes, en particulier sur le fait de prévoir des emplacements de stationnement pour vélos à l’intérieur même du parc. Au vu de la largeur des cheminements prévus, il ne nous apparaît pas vraiment adéquat ni opportun d’encourager démesurément les déplacements cyclistes à l’intérieur même du parc ;
• La conservation de la végétation, du relief et des grands arbres existant est saluée par notre groupe, et doit impérativement être maintenue lors de la réalisation concrète. Nous y serons très attentifs, car la population y est très attachée, comme cela avait été exprimé à l’issue du processus participatif de 2011.
• Si la réalisation d’un café-bains est très majoritairement saluée, en tant qu’élément important pour garantir une attractivité du site également en hiver, nous nous interrogeons sur la manière dont le Conseil communal a décidé d’en attribuer l’exploitation à Caritas, quand bien même nous pensons tout le plus grand bien de ce partenaire social important de notre collectivité, et saluons la volonté de favoriser le principe de réinsertion sociale. Néanmoins, le Conseil communal peut-il nous renseigner sur la manière dont un tel choix et selon quelles modalités celui-ci s’est opéré ? Un marché public a-t-il été fait ?
• S’agissant du restaurant, notre groupe est très satisfait que la maîtrise sur la durée demain demeure en mains de la Ville, comme nous en avions formulé l’exigence. Néanmoins, nous rendons le Conseil communal particulièrement attentif à la nécessité de garantir que cet établissement public puisse être un exemple de mixité sociale et générationnelle, en étant vraiment ouvert à toutes et à tous, en tant que lieu de partage et de rencontre non exclusif.

Il y aurait certainement encore bien des choses à dire, mais je pense avoir retranscrit les principaux éléments ayant fait l’objet des discussions au sein du Groupe socialiste.

Arrivé à ce stade, je tiens encore à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, contribué à l’élaboration et à la concrétisation de ce projet, durant les deux décennies écoulées, et qu’il serait trop long de citer nommément. Des remerciements particuliers sont adressés aux membres de l’administration communale qui ont travaillé des centaines, de milliers d’heures sur ce projet. Et également, last but not least, les conseillères et conseillers communaux qui ont porté ce projet à bout de bras, actuels et anciens, avec une pensée et des remerciements particulier pour l’immense travail précédemment accompli par Olivier Arni.

Au vu de la période particulière que nous vivons du fait de la pandémie de Covid-19, et qui transparaît par le fait que nous siégeons aujourd’hui encore au Château de Neuchâtel plutôt qu’à notre cher Hôtel-de-Ville, le projet de parc urbano-lacustre que nous devons valider ce soir représente un investissement public conséquent et particulièrement appréciable pour les entreprises de la région. Voilà une première manière, encore limitée mais non négligeable, d’apporter notre soutien à l’économie locale en période de crise.

Ainsi, notre Groupe est résolu à apporter ce soir une cure de jouvence indispensable à ces rives dites « Jeunes », mais qui atteignement résolument l’âge de la sagesse. Ce parc urbano-lacustre a vocation à s’inscrire comme un nouvel espace vert et culturel majeur d’une capitale cantonale de 45'000 habitants. Ne manquons pas ce rendez-vous avec notre futur. Nous soutiendrons donc l’ensemble des arrêtés, moyennant l’amendement à l’arrêté V.